OUEST-FRANCE : Dans cet hôtel breton, le personnel en situation de handicap est au service des clients dès 6h
Ce mardi matin, ARA Hôtel à Landerneau affiche complet. Comme toute la semaine.
« C’est un établissement plutôt business, et comme souvent en début de semaine, nos 55 chambres sont occupées, ce qui fait 55 petits-déjeuners à préparer », précise le directeur adjoint, Laurent Dubouchet-Poncey.
Ara n’est pas un hôtel ordinaire. C’est le premier trois étoiles de France sous statut d’entreprise adaptée. 80 % des salariés ont une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Mais ce n’est pas parce qu’on a une différence qu’on ne peut pas être efficace, insiste le dirigeant.
Trente minutes pour dresser le buffet
À 6 h, c’est Nathalie Le Biziec, 47 ans, qui embauche la première. La mère de famille a trente minutes pour dresser le buffet, qui ouvre aux clients à 6 h 30. « Certains travaillent de bonne heure », insiste-t-elle. Il n’y a pas une seconde à perdre.
Certaines gourmandises ont été préparées la veille pour fluidifier le service, comme le far breton ou la salade de fruits. Mais le programme reste chargé : allumage de la plaque réfrigérante dans la salle de petit-déjeuner, cuisson des viennoiseries et du pain, mise en place de la charcuterie, des yaourts, du jus de fruits, suivi des dates de péremption…
À peine le temps de se retourner et déjà, un client arrive à 6 h 29 : il veut des œufs brouillés, lesquels ne sont pas encore prêts. « Fais les œufs, je m’occupe de la compote », demande Laurent Dubouchet-Poncey.
C’est comme ça que ça se passe à Ara hôtel : quand un salarié ne peut pas suivre, des renforts sont mis en place, et le directeur met volontiers la main à la pâte — même quand il s’agit de faire le ménage dans les chambres.
« On a des aides au poste liées à notre statut.»
« Par exemple, pour le ménage, on a six personnes quand il n’y en a que 2,5 ailleurs. Il faut tenir compte de la fatigabilité et des particularités de chacun », commente le directeur. Au total, le lieu emploie 15 collaborateurs et 10 équivalents temps plein.
Tandis que le coup de feu est passé, le repos est de courte durée pour Nathalie. Il faut réalimenter le buffet jusqu’à la fin du service, puis gérer la vaisselle. En n’oubliant jamais les contraintes sanitaires : changer de gants à chaque nouvelle tâche, vérifier les cuissons, afficher l’origine des produits… « Quand je suis fatiguée, je cafouille sur le langage », confie-t-elle.
Pour autant, « travailler de bonne heure ne me dérange pas. J’ai été aide à domicile, j’ai fait des ménages dans plusieurs entreprises. Ici, ce sont des horaires réguliers. Je viens de fêter mes dix ans dans l’entreprise. »
« Je ne peux plus porter, je me suis recyclée »
Hors coulisses, à la réception, Carole Charreteur, 56 ans, prend son poste à 7 h pétantes. Encaissement, réservations, facturation…
L’ancienne serveuse en bar PMU a été embauchée à la réception d’Ara hôtel après une maladie l’empêchant de poursuivre une activité physique.
« Je ne peux plus porter. Je me suis recyclée, j’ai retrouvé du travail à 54 ans, c’est déjà pas mal », souffle-t-elle, satisfaite de ses horaires matinaux durant lesquels « le travail est varié ».
Afin de donner aux salariés le maximum d’autonomie sur leur poste, des formations sont régulièrement organisées en fonction des besoins.
Le modèle d’Ara hôtel fonctionne, et fait des petits
Le Groupe VIDEAL, dont il dépend, construit actuellement un second établissement du genre à Rennes-Chantepie. Il ouvrira le 2 mars 2026 avec 90 chambres et une vingtaine d’équivalents temps plein.
Éloïse LEVESQUE, Ouest-France